minant chez Thérèse dans l’histoire de
sa réforme. Pour autant, devenu reli-
gieux du Carmel Déchaussé, il sait fort
bien que la fondation de « lieux dans
les déserts », selon l’expression de la
Règle primitive, conservée dans la ver-
sion de 1247, est une possibilité mais
non la norme. Frère Thomas ne remet
nullement en cause l’implantation de
couvents dans les villes, conforme à la
tradition des Religieux Mendiants. Au
reste, dès les premiers temps de la Ré-
forme, de tels « lieux » se développent :
couvent de La Peñuela, du Calvario ou
encore de La Roda, dont Thérèse dira
le plus grand bien (cf. Fondations ch.
28). Mais ils sont souvent fondés par
d’anciens ermites infusant dans le tout
jeune Ordre du Carmel leur propre
compréhension du désert. Tout ceci ne
va pas sans poser problèmes en regard
de l’unité, encore à trouver, de la Ré-
forme.
L’idée que se fait fr Thomas du
Saint-Désert comme institution est,
pour sa part, assez précise. Son carac-
tère d’institution en est d’ailleurs le
premier trait : cette « possibilité »
qu’offre la Règle vaut d’être canonisée,
c’est-à-dire fondée en droit pour por-
ter un charisme. Comme l’écrit le P. Jo-
seph : « le mérite de Thomas est d’avoir
compris l’importance primordiale de l’expé-
rience érémitique pour atteindre, au Carmel,
l’idéal contemplatif, et la nécessité d’ « insti-
tutionnaliser » cette possibilité pour qu’elle de-
vienne une réalité effective au service de l’Or-
dre. »
Cette certitude que le caractère éré-
mitique de l’ordre doit trouver une ex-
pression concrète qui soit aussi
juridique – et comme telle promue et
protégée – est une constante dans la
pensée du frère Thomas. Celle-ci va
s’affiner et s’élargir : de son premier
écrit témoignant de ses réflexions, en
1599, à sa position quasi définitive telle
qu’elle apparaît en 1617, cette matura-
tion est indéniable. Et sa « grâce de
conversion à la mission », sur laquelle
nous reviendrons, s’y insère tout à fait.
Dès 1589-91, notre jeune frère a ré-
digé un premier mémoire sur son pro-
jet. On y trouve en particulier des
indications sur la durée du séjour dans
un tel couvent : les candidats vont au
Désert pour un temps déterminé (et
non à vie, comme en Chartreuse) ; il
semble même que Thomas propose
alors de fixer cette durée à un an, ce
qui s’accorde avec son propos : que le
plus grand nombre de religieux doit
pouvoir aisément obtenir l’autorisation
de « vaquer à Dieu » dans ces Déserts.
Frère Thomas insiste aussi sur la com-
binaison de la vie proprement érémi-
tique – pour laquelle des ermitages
distincts sont nécessaires – avec la vie
commune (« cénobitique »), soulignant
à plusieurs reprises le rôle du prieur.
À l’occasion d’une visite pastorale