MÉDITATION avec l’aveugle Bartimée (Marc 10, 46-52)
et L'ÉVANGELIAIRE D'EGBERT (980 - 993)
Pèlerinage CARMEL, Lourdes 2007, Veillée pénitentielle du 15 juillet
Visuel sur papier 120g + peinture acrylique, dim. H 92 cm x La 130.cm
I. Présentation de l’œuvre
· L'ÉVANGELIAIRE D'EGBERT – fin du 10e siècle
Le Codex Egberti fut composé dans les années 980 - 993 pour l'archevêque Egbert de Trèves. L'Évangéliaire contient 60 illustrations, dont 51 scènes de la vie du Christ : miniatures soigneusement composées
Aujourd’hui, l'Évangéliaire d'Egbert est l'unique manuscrit sur le lieu de sa création (cathédrale de Trèves, Saint Paulin, Bibliothèque municipale / Allemagne), il est également le seul dont on puisse exposer toutes les pages décorées. Il constitue l'exemple le plus ancien dans l'histoire de l'enluminure.
En 2004, l'Unesco a classé l'Évangéliaire d'Egbert dans son programme " Mémoire du monde ".
· Présentation de la miniature
L’enluminure qui nous intéresse aujourd’hui représente la rencontre entre Jésus et l’aveugle Bartimée à la sortie de Jéricho, selon Marc 10, 46 à 52 (//Mt 20 et Lc 18). Sous des apparences simples voire naïves se cache une méditation théologique profonde.
II. Le descriptif : composition du dessin
· Les trois groupes
Trois groupes se dessinent, de gauche à droite : l’arbre, l’aveugle (nommé en latin « caecus »
= aveugle), Jésus (également nommé) et les disciples (« apostoli » = apôtres).
III. La méditation pour la veillée
1. L’espace de rencontre entre Bartimée et Jésus.
Au centre de l’image, est représentée la rencontre entre Jésus et l’aveugle, matérialisée par le geste des deux mains Cette enluminure nous parle d’une rencontre : celle du pécheur avec le Dieu Sauveur, présent dans l’histoire des hommes. En premier lieu, notre regard se pose sur deux mains qui se rejoignent : la main tendue, ouverte et nue de l’aveugle et la main bénissant de Jésus, dans un geste de puissance recréatrice. [Geste créateur, repris 600 ans plus tard pour l’Adam peint par Michel-Ange au plafond de la Chapelle Sixtine à Rome.]
Toute la dynamique du dessin tient dans cet espace où deux mains vont à la rencontre l’une de l’autre. Tout est dit dans ce vide où deux désirs se rencontrent (celui d’être sauvé pour l’homme, celui d’être reconnu et aimé de sa créature pour Dieu.) Cette main tendue offerte laisse la place à la puissance divine. C’est Jésus qui sauve. Jésus — habillé d’un manteau rouge posé sur sa tunique blanche, portant sur sa tête l’auréole cruciforme, déjà dans la gloire de sa résurrection — s’abaisse vers celui qui est pauvre et qui a besoin d’être relevé.
2. L’arbre.
Il est traité à l’égal d’une personne : par sa couleur (la même que les deux manteaux), par son dessin qui reprend les plis des tuniques.
L’arbre se termine en trois inflorescences appelées « ombelles », riches de trois couleurs (blanc pour l’homme affranchi, l’ocre pour le terrestre et le rouge pour la vie). Ces trois chapeaux ludiques et poétiques donnent à l’ensemble de l’arbre un air joyeux, comme s’il dansait. Le Salut c’est joyeux !
Comme pour l’espace de la rencontre entre l’aveugle Bartimée et Jésus, la position des branches n’est pas anodine. L’arbre est comme replié sur l’aveugle qu’il couvre et protège de son ombre. Par sa courbe, il épouse la forme arrondie du dos de Bartimée. Est-ce en écho à Jonas à l’ombre de son ricin que l’on peut le lire comme le signe de la bienveillance de Dieu pour chacune de ses créatures ? Oui, c’est Dieu qui aime le premier !
3. L’aveugle.
Il est assis, replié sur lui-même. Il tient un bâton de la main gauche, tandis que sa main droite va à la rencontre de la main de Jésus. Il se déroule entre ces deux positions, comme l’escargot sortant lentement de sa coquille. Il est revêtu du manteau rouge (de la même couleur que celui du Christ) et son bâton d’aveugle est de couleur dorée comme pour le nimbe et le livre de Vie. « Je trésaille, je trésaille à cause du Seigneur ! / Mon âme exulte à cause de mon Dieu !/ Car il m’a revêtu des vêtements du salut […] » (Is 61, 10) Bartimée ne tient plus une béquille mais le bâton qui guide et qui rassure (Cf. Ps 22). A sa tête est roulé le bandeau blanc. Son corps et son bâton, croisés par son bras droit, forment un X comme la première lettre de Christ. Bartimée est déjà configuré à son Sauveur.
Ainsi placé entre l’arbre et Jésus, chacun allant vers lui dans un geste, soit de protection, soit de guérison, Bartimée est comme englobé par le mystère de la Création et le mystère de la Rédemption.
« Je suis prêt, c’est moi ! ! Mon Dieu je suis ressuscité et je suis encore avec toi. Je dormais et j’étais couché ainsi qu’un mort dans la nuit. Dieu dit « que la lumière soit ! »
Et je me suis réveillée comme on pousse un cri !
J’ai surgi et je me suis réveillé.
Je suis debout et je commence avec le jour qui commence !
Mon Père qui m’avez engendré avant l’Aurore …. Je me place dans Votre Présence ! »
(Paul Claudel)
4. L’itinéraire pascal.
L'enluminure rend bien la situation paradoxale du croyant, où se mêlent le passé (le vieil homme prisonnier de son péché) et le présent (l’aujourd’hui du Salut). Bartimée, sous nos yeux, fait l’expérience de l’amour divin qui sanctifie : à sa suite, par identification, nous sentons-nous invités à entrer dans cette même dynamique de pardon et de guérison ? Nous sentons-nous inviter à passer sans cesse du passé de pécheur à l’aujourd’hui du salut ? De la peur à la confiance ? De la cécité à la claire vision ? Nous sentons-nous prêts à jeter notre vieux manteau pour revêtir le Christ (Ga 3,27), pour être « déjà enveloppé du mystère de la charité ». Croyons-nous en l’Amour ?
Bartimée était assis au bord du chemin mais le Christ glorieux l’a guérit l’a relevé, et le voici debout à sa suite sur la route vers Jérusalem.
5. Les disciples.
Derrière Jésus, nous voyons Pierre et deux disciples, en masse très compacte. Le disciple ne reste pas seul. Sauvé, l’heureux pécheur pardonné, l’est en solidarité, dans la cohésion de la communauté. Ainsi il à sa part à l’édification de l’Église.
SOURCES : www.egbert-codex.de/francais.html - - www.paxchristi.cef.fr
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